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.: Sahara Occidental - Chapitre 9 : l'extension du conflit (1976-1988)

Bouabib, le leader de l'opposition de sa Majesté, vient de reconnaître les graves revers infligés à l'armée du Roi par ce peuple du Sahara Occidental que l'on voulait enchaîner pour s'emparer de ses richesses.

Cette reconnaissance autorisée de l'état de guerre est la première depuis l'invasion par les armées maroco-mauritaniennes du Sahara Occidental et mérite d'être retenue car elle a pour corollaire la reconnaissance implicite que le dossier du Sahara Occidental n'est pas clos.

Bouabib a déclaré, contre tous les témoignages de la presse internationale, que le responsable des défaites marocaines n'était autre que l'armée algérienne. Il s'agit là de sauver l'honneur alaouite dont les forces armées ne sauraient être tenues en échec par ce peuple de Sahraouis dont il a été décidé que l'on ferait tout pour montrer qu'il n'existait pas, car, pour le monarchisme impérialiste de droite, du centre ou de "gauche", la valeur suprême reste la monarchie au mépris des êtres humains, au mépris des peuples. Hassan II n'a-t-il pas déclaré à l'insu d'un mouvement qui voulait instituer la république au Maroc qu'il était prêt à sacrifier les 2/3 de son peuple pour sauver le 1/3 sain ?

On se souvient qu'au début de l'invasion maroco-mauritanienne le Maroc pavoisait. Montée comme une grande opération publicitaire, la mystification de la marche verte avait réussi le temps du déferlement sur le Sahara de la moitié des effectifs de l'armée royale. Le "Juan Carlisme" débutant avait apporté son aide et sa compréhension armée pour guider sur les pistes du désert et installer dans les fortins espagnols l'armée marocaine. L'illusion de la conquête était facile. Rendu aveugles et aliénés, les premiers envahisseurs avaient fait des communiqués de victoire. Les bombardements au napalm et au phosphore des camps de réfugiés étaient sans risques, la chasse à l'homme avec des blindés au sein des colonnes de réfugiés permettait des victoires faciles. Prévoyant la trahison espagnole et l'offensive marocaine, le Front Polisario et le peuple sahraoui se sont adaptés à la nouvelle situation alors qu'ils s'apprêtaient à savourer leur indépendance maintes fois reconnue par les instances internationales. Le peuple sahraoui a mobilisé ses forces pour défendre et mettre à l'abri les populations qui fuyaient l'ennemi et celles qui s'étaient déjà regroupées dans les camps de réfugiés. Cette période sera marquée dans la mémoire collective du peuple sahraoui qui a vu se déchaîner contre lui des hordes armées.

Les réfugiés à l'abri, le Front Polisario a opté pour une guérilla totale ayant pour objectif de libérer le territoire national en attaquant les envahisseurs là où ils sont, sur le sol sahraoui, mais aussi dans les bases arrière que constituent le Maroc et la Mauritanie.

La guerre menée par le Front Polisario est celle de tout un peuple qui s'est donné pour mission de faire prendre conscience aux deux peuples voisins manquant d'informations objectives et de liberté de penser qu'ils sont victimes autant que le peuple sahraoui du féodalisme fasciste d'Hassan II. De leur offrir aussi l'aide nécessaire pour qu'ils retrouvent leur dignité en se dressant contre les régimes oppresseurs du Maroc et de la Mauritanie.

L'utilisation de moyens modernes adaptés avec celle de techniques longtemps éprouvées contre les envahisseurs étrangers, permet au combattant sahraoui qui sait utiliser chaque élément du désert à son profit, d'être désormais le décideur dans la guerre qui lui a été déclarée. Motivé dans la lutte, ayant une mobilité absolue, c'est toujours le guérillero qui a l'initiative du lieu et du moment de l'attaque... le roi a assigné à son armée de vaincre ou de périr, mais les soldats marocains comprenant qu'ils ne peuvent pas vaincre, étant de moins en moins convaincus de la cause qu'ils défendent, ont actuellement le plus souvent pour préoccupation(essentielle face aux conditions du désert) de ne pas s'exposer inutilement lorsque cela est possible pour essayer de prolonger une vie dont la dureté des combats et la nature environnante lui font apprécier le prix.

Les soldats marocains savent que les armes sophistiquées sont inopérantes contre les combattants de l'Armée Populaire de Libération. Ils constatent que les patrouilles aériennes ont dû être limitées en raison du nombre élevé d'avions qui ne regagnaient pas leurs bases et de ceux qui étaient détruits au sol. lls volent à haute altitude, se limitant à transporter coûteusement vivres et troupes. Les hélicoptères ne sont pas opérationnels au Sahara. La luminosité et le vent qui balaie certaines régions ne leur permettent pas de voler à très basse altitude à la recherche des unités sahraouies, sans courir des risques importants. Il en est de même des armes lourdes qui limitent les déplacements dans un terrain souvent accidenté.

L'armée marocaine constitue dans plusieurs domaines le magasin d'approvisionnement de l'Armée populaire de libération , notamment pour les armes légères, les véhicules. Les insignes du 3ème Congrès du Front Polisario par exemple avaient été découpées dans la carrosserie d'une land-rover marocaine endommagée au cours des combats.

Les pertes de l'armée marocaine sont évaluées par les responsables Front Polisario à 1/10 de son effectif. L'armée se trouve maintenant disséminée sur trois pays, loin de ses bases. Les voies d'accès sont contrôlées par les combattants sahraouis et les convois routiers échappent rarement à leur vigilance. 40.000 soldats au moins se trouvent pratiquement cloués au sol dans le sud marocain, sur le territoire de la R.A.S.D. et en Mauritanie où les forces armées royales qui contrôlent les garnisons du pays utilisent les hommes de troupe mauritaniens (beaucoup d'officiers ont été tués dans les combats) comme l'armée française le faisait dans le cadre de son armée coloniale. L'encadrement marocain est replié dans des bases fortifiées et l'armée " mauritanienne " lui sert de bouclier.

Le sud marocain qui connaît de nombreuses incursions de l'armée sahraouie est en train de redevenir le bled-es-siba (le pays non contrôlé par la monarchie) qu'il avait été jusqu'à la colonisation.

La Mauritanie occupée par l'armée marocaine avec l'accord d'Ould Daddah est une conquête dangereuse car le Front Polisario y opère facilement. Les combats qui se sont déroulés dans le centre de la Mauritanie donnant bien la mesure de la situation dans ce pays.

La ville de Tidjidja attendait la visite du ministre Abdallah Ould Daddah, un des frères du Président de la Mauritanie dont le gouvernement repose sur un esprit de famille très développé. Le frère ministre venait exhorter ses compatriotes à participer avec enthousiasme à l'impôt volontaire destiné à couvrir l'effort de guerre. Pendant que l'avion d'Abdallah Ould Daddah tournait au-dessus de la ville, l'armée de libération sahraouie livrait au sol un combat à la garnison mauritanienne. L'avion n'a pu atterrir et tenta de le faire dans la ville la plus proche, distante de 300 km environ. Là aussi, une autre unité du Front Polisario s'était assurée le contrôle des deux villes et partageait avec la population les mets "officiels" qui avaient été préparés pour l'illustre visiteur.

La situation militaire est donc inquiétante pour les forces du Maroc. L'armée se pose de plus en plus de questions et au contact de la réalité sahraouie prend peu à peu conscience que le roi l'a envoyée conquérir ces terres lointaines pour se débarrasser d'un corps qui, à maintes reprises, avait contesté son autorité.

Le roi, sérieusement malade malgré les démentis, se méfie de plus en plus de cette armée qui l'a une nouvelle fois bafoué et souhaiterait assurer la continuité de la monarchie en installant son fils au pouvoir. Pour cela, il est prêt, comme l'avait fait son père, à faire alliance avec les restes de la "gauche" marocaine qui se sont englués comme lui dans l'aventure sahraouie.

La portée politique de l'offensive d'été du Front Polisario est très importante : elle a déclenché des contradictions violentes entre les corps constitués du Maroc. La politique au Maroc risque donc maintenant de ne plus rester figée dans l'affichage de l'unanimité nationale qui régnait depuis la marche verte.

Ce début de déstabilisation pourrait avoir, lorsque le réveil du peuple marocain interviendra, des conséquences bénéfiques pour le peuple sahraoui, le peuple mauritanien et le peuple marocain bien entendu.