L'empire almoravide s'étendait de Saragosse à la rivière Sénégal. Mais en réalité, il en était tout autrement. Il y avait en fait deux "empires". L'état fondé au Maroc par Youssef Ibn Tachfin ne contrôlait pas directement l'empire almoravide du Sahara et réciproquement, Abou Bakr n'avait aucune influence sur ce qui se passait au nord du désert.
Au Sahara, la fragile cohésion forgée par les dirigeants almoravides se dissolut très vite dans des conflits entre tribus après la mort d'Abou Bakr dans une bataille au Tagant en Mauritanie (1087).
Deux siècles plus tard, lorsque les Sanhadja du Sahara durent faire face aux premières invasions de tribus de bédouins arabes venues de l'autre bout de l'Afrique du Nord, ils furent incapables de former une résistance efficace.
Au XIe siècle, une série d'invasions de tribus bédouines arabes eut lieu, qui devait grandement transformer l'Afrique du Nord. La cause de ces invasions était la suivante : deux grandes peuplades nomades, les Beni Hilal et les Bni Soulaïm, qui venaient de s'installer dans le delta du Nil, troublaient la tranquillité de l'Egypte par leur caractère belliqueux. Ainsi, le calife fatimide d'Egypte les incita-t-il à assouvir leur ardeur guerrière en attaquant l'Ifriquia.
Pour se soustraire aux expéditions dirigées contre eux par les Mérinides (Mérinides : dynastie marocaine du XIIIe siècle) ou peut-être simplement pour trouver de nouveaux pâturages, un certain nombre de Maqil issus d'un groupe de tribus appelées les Beni Hassan, quittèrent peu à peu la vallée du Draa et firent route vers le Sud en direction du Sahara occidental, et ce à partir de la fin du XIIIe siècle.
Ce ne fut pas une invasion brutale mais plutôt une infiltration progressive qui dura deux ou trois siècles.
De fil en aiguille naquit ainsi un nouveau peuple de langue arabe connu par nous aujourd'hui sous le nom de "Maures". Les Maures, peuple aux origines ethniques très mélangées - arabe, berbère, et noire africaine à cause du métissage avec les esclaves et leurs descendants - étaient des pasteurs-nomades vivant sur une vaste partie du Sahara, de la rivière Draa au nord aux rives du fleuve Sénégal au sud, et du rivage atlantique à l'ouest à une zone de dunes quasiment impénétrable.
La formation du peuple maure se fit selon un processus complexe d'interaction entre les Sanhadja et les Beni Hassan ; elle dura plusieurs centaines d'années et fut souvent compliquée par les changements intervenant dans la région. Aux XVe et XVIe siècles, des voyageurs et des explorateurs remarquèrent que la langue znaga des Sanhadja étaient encore très largement répondue.
Le grand chroniqueur portugais du XVe siècle, Gomes Eannes de Azurara, notait que Joao Fernandes, explorateur qui avait voyagé avec des nomades dans l'arrière-pays saharien à partir d'un site côtier proche de Dakhla en 1445, avait remarqué que "l'écriture de ces gens et leur langue ne sont pas les mêmes que ceux des autres Maures ; mais ils appartiennent tous à la secte de Mahomet et on les appelle les Alarves, les Mazanegues et les Berbères.